Frank Gehry : un voyage à travers l’œuvre de l’architecte qui a fait des bâtiments des destinations

Frank Owen Goldberg, dit Frank Gehry, né le 28 février 1929 à Toronto vient de nous quitter, laissant derrière lui bien plus qu’un héritage architectural. Ses créations ne se contentent pas d’abriter, elles transportent, bouleversent, émerveillent.

Suivez-nous dans un périple à travers ses réalisations les plus saisissantes.

Comprendre le geste Gehry : quand l’architecture devient sculpture

Avant d’arpenter le monde sur les traces de l’architecte, il convient de saisir ce qui fait la singularité absolue de son œuvre, et le parcours qui l’a façonnée.

Né à Toronto en 1929, Frank Gehry s’est formé à l’université de Los Angeles avant de parcourir le monde pour nourrir son regard. Dans le Paris des années soixante, il découvre les églises romanes, l’héritage de Le Corbusier, une certaine idée de l’architecture en dialogue avec son environnement, tout le contraire, selon lui, de cette construction californienne qui défigurait alors les paysages de sa terre d’adoption. De cette opposition naît une conviction : l’architecture doit être un art à part entière, engagé et sensible.

Car Gehry n’a jamais été seulement architecte. Dès ses débuts, il fréquente assidûment les ateliers de peintres et de sculpteurs, s’imprégnant de leur liberté formelle. Cette double culture, artistique et militante, l’a conduit à repenser radicalement les codes de sa discipline. Figure majeure du déconstructivisme, courant qui pulvérise les conventions de la géométrie traditionnelle, il reçoit dès 1989 le prestigieux prix Pritzker, consécration suprême pour un architecte.

Frank Gehry ne dessinait pas des bâtiments au sens conventionnel du terme. Il façonnait des volumes comme un sculpteur modèle la glaise, avec cette différence fondamentale que ses créations devaient accueillir la vie, le mouvement, les regards. Ses courbes évoquent tour à tour des voiles gonflées par le vent, des drapés de tissu précieux, des métaux rendus liquides par quelque alchimie secrète. Chaque œuvre semble animée d’un souffle propre, défiant avec une audace tranquille les lois de la gravité.

Le choix des matériaux participe pleinement de cette magie. Titane, verre, acier inoxydable : Gehry les employait comme un peintre use de sa palette, conscient que la lumière, celle du matin naissant, du zénith éclatant ou du crépuscule mordoré, viendrait transformer chaque surface en tableau mouvant. Le titane du Guggenheim de Bilbao n’est pas un simple revêtement : c’est une matière vivante qui se métamorphose au fil des heures, capturant les nuances du ciel basque avec une sensibilité presque organique.

Cette approche constitue une rupture franche avec les canons de l’architecture moderne. Les lignes droites, l’orthogonalité rassurante, la simplicité fonctionnelle ? Gehry les a délibérément abandonnées pour créer des espaces où l’ombre et la lumière jouent une partition inédite, où le visiteur redécouvre sa propre perception de l’espace. Cette audace confère à ses bâtiments une dimension émotionnelle rare, on ne reste pas indifférent face à une œuvre de Gehry.

Sept destinations Gehry à inscrire sur votre carnet de voyage

De Bilbao à Panama City, de la Rioja à Seattle, les créations de Gehry jalonnent le globe comme autant d’invitations au voyage. Chacune porte sa signature; ces formes tordues, ces matières vivantes, tout en s’ancrant profondément dans son territoire. Voici notre sélection des plus saisissantes.

Le Guggenheim de Bilbao : L’œuvre qui a réinventé le tourisme culturel

guggenheim bilbao

Bilbao, Espagne

Il est des bâtiments qui changent le destin d’une ville. Le musée Guggenheim de Bilbao appartient à cette catégorie d’exception. Inauguré en 1997, ce vaisseau de titane amarré sur les rives du Nervión a littéralement ressuscité la capitale basque, autrefois cité industrielle en déclin, aujourd’hui destination culturelle de premier plan.

Les 33 000 plaques de titane qui composent sa peau architecturale captent la lumière avec une grâce incomparable. Au lever du soleil, elles se teintent de rose et d’or ; sous la pluie fine si caractéristique du Pays basque, elles prennent des reflets argentés d’une mélancolie sublime. L’intérieur ne déçoit pas : l’atrium central, avec ses cinquante mètres de hauteur, offre une cathédrale de courbes où la lumière zénithale dessine des arabesques sur les parois blanches.

Le moment à ne pas manquer : installez-vous sur la promenade qui longe le fleuve à l’heure dorée. Regardez le bâtiment se transformer, minute après minute, dans la lumière déclinante. Vous comprendrez alors pourquoi les habitants de Bilbao ont adopté ce géant de métal comme le symbole de leur renaissance.

La Walt Disney Concert Hall : La symphonie d’acier de Los Angeles

Walt Disney Concert Hall

Los Angeles, États-Unis

Au cœur de Downtown Los Angeles, là où les gratte-ciels de verre dessinent une skyline familière, surgit une apparition : des vagues d’acier inoxydable qui semblent danser dans la lumière californienne. La Walt Disney Concert Hall, inaugurée en 2003, est bien plus qu’une salle de concert — c’est le cœur battant de la vie culturelle angelina.

Gehry a conçu cet écrin pour le Los Angeles Philharmonic avec une obsession : l’acoustique parfaite. Et le résultat dépasse toutes les attentes. Les 2 265 places de l’auditorium principal baignent dans un son d’une pureté cristalline, servi par des parois de bois de sapin de Douglas aux courbes savamment calculées. Mais la magie opère aussi à l’extérieur : les terrasses et jardins dissimulés entre les plis d’acier offrent des perspectives surprenantes sur la ville, des havres de tranquillité insoupçonnés au milieu de l’effervescence urbaine.

Le moment à ne pas manquer : déambulez dans les jardins secrets qui entourent le bâtiment. Une fontaine de roses en porcelaine, hommage à Lillian Disney, y compose un tableau d’une délicatesse inattendue au milieu de ces masses métalliques.

La Fondation Louis Vuitton : Les voiles de verre du Bois de Boulogne

Fondation Louis Vuitton

Paris, France

Paris ne manque certes pas de monuments. Pourtant, depuis 2014, le Bois de Boulogne abrite une nouveauté qui a su s’imposer dans le paysage : la Fondation Louis Vuitton, douze voiles de verre qui semblent prêtes à prendre le large au-dessus des frondaisons du Jardin d’Acclimatation.

Cette création, que Gehry lui-même décrit comme un nuage de verre, représente peut-être son œuvre la plus poétique. Les 3 600 panneaux de verre, tous uniques, ont nécessité des prouesses techniques inédites pour épouser les courbes imaginées par l’architecte. Le résultat défie la description : selon l’angle et la lumière, le bâtiment évoque un iceberg translucide, un navire fantastique ou une créature organique tout droit sortie d’un rêve.

À l’intérieur, les espaces d’exposition s’enchaînent avec fluidité, tandis que les terrasses panoramiques offrent des échappées sur Paris et son poumon vert. La programmation artistique, d’une ambition remarquable, ajoute encore à l’attrait du lieu.

Le moment à ne pas manquer : montez jusqu’à la terrasse supérieure en fin d’après-midi. La vue sur Paris qui s’étend à l’infini, filtrée par les voiles de verre, compose un tableau que vous n’oublierez pas.

L’Hôtel Marqués de Riscal : L’audace au cœur des vignes

Hotel Marqués de Riscal

Elciego, La Rioja, Espagne

Comment marier l’avant-garde la plus débridée avec la tradition séculaire du vin ? La famille Marqués de Riscal a relevé ce défi en confiant à Frank Gehry la conception d’un hôtel au sein de leur domaine viticole de La Rioja. Le résultat est proprement stupéfiant.

Imaginez : au milieu des rangées de vignes ordonnées, des chais centenaires aux murs de pierre blonde, surgit un tourbillon de rubans métalliques roses, dorés et argentés. Ces teintes ne doivent rien au hasard — elles évoquent le vin (rose), la capsule dorée des bouteilles Marqués de Riscal et le filet d’argent qui les pare. L’ensemble compose un dialogue saisissant entre passé et futur, entre terroir et innovation.

Les 43 chambres et suites de l’hôtel prolongent cette expérience : design contemporain, vues sur les vignes, et ce sentiment rare d’habiter une œuvre d’art. Le spa Vinothérapie et les restaurants gastronomiques complètent un séjour qui conjugue tous les plaisirs.

Le moment à ne pas manquer : savourez un verre de Marqués de Riscal sur la terrasse au coucher du soleil, quand les rubans métalliques s’embrasent et que le paysage viticole prend des teintes de miel. L’accord parfait entre la vue et le nectar dans votre verre résume à lui seul l’esprit du lieu.

La Maison Dansante : L’impertinence au bord de la Vltava

Maison Dansante Prague

Prague, République tchèque

Prague, ville aux cent clochers, trésor baroque et gothique préservé des destructions du XXe siècle… Et soudain, au bord de la Vltava, cette apparition : deux tours qui semblent enlacées dans un pas de danse, l’une droite et rigide, l’autre souple et cambrée. La Maison Dansante — ou Ginger et Fred, comme l’ont surnommée les Pragois en hommage au célèbre duo hollywoodien — incarne l’audace de Gehry dans un contexte patrimonial des plus exigeants.

Conçue en collaboration avec l’architecte tchèque Vlado Milunić et inaugurée en 1996, cette œuvre a d’abord suscité la controverse avant de conquérir les cœurs. Aujourd’hui, elle fait partie intégrante de l’identité visuelle de Prague, preuve que le dialogue entre époques peut engendrer une beauté nouvelle.

Le rooftop du bâtiment abrite un restaurant panoramique d’où la vue sur les toits de Prague et les méandres de la Vltava justifie à elle seule le détour.

Le moment à ne pas manquer : admirez le bâtiment depuis le pont Jiráskův au crépuscule. Les lumières de la ville commencent à scintiller, la Vltava miroite, et la silhouette dansante se découpe sur le ciel assombri — un spectacle de toute beauté.

Le MoPOP : L’expérimentation psychédélique de Seattle

MoPop Seattle

Seattle, États-Unis

Le Museum of Pop Culture de Seattle — anciennement Experience Music Project — représente peut-être la création la plus expérimentale de Gehry. Ce bâtiment aux formes organiques, aux couleurs changeantes, semble tout droit sorti d’une hallucination rock’n’roll, ce qui tombe bien puisqu’il fut initialement conçu pour célébrer l’héritage de Jimi Hendrix, enfant du pays.

Les panneaux d’acier et d’aluminium qui composent sa façade arborent des teintes pourpres, argentées et dorées qui se métamorphosent selon la météo — et à Seattle, la météo offre une palette particulièrement riche. Sous la pluie fine qui nimbe souvent la ville, le bâtiment prend des reflets hypnotiques.

À l’intérieur, les collections consacrées à la pop culture, de la science-fiction à la musique rock en passant par les jeux vidéo, offrent une expérience immersive qui prolonge l’audace architecturale.

Le moment à ne pas manquer : venez un jour de pluie. Les façades métallisées ruisselantes créent une atmosphère unique, presque irréelle, qui transforme la simple observation en expérience sensorielle.

Le Biomuseo : L’explosion tropicale de Panama City

Bio Musée Panama City

Panama City, Panama

Avec le Biomuseo, inauguré en 2014 à l’entrée du canal de Panama, Gehry a révélé une facette inattendue de son génie. Exit le titane et l’acier : place à la couleur, à l’exubérance, à la joie pure.

Ce musée consacré à la biodiversité du Panama arbore des toits aux teintes franches, rouge, bleu, jaune, vert, qui semblent dialoguer avec la luxuriance de la nature tropicale environnante. L’architecte, dont l’épouse est panaméenne, a voulu créer un bâtiment en harmonie avec l’énergie et la vitalité du pays.

Le résultat est un festival de formes et de couleurs qui rompt délibérément avec la sobriété métallique de ses œuvres nord-américaines ou européennes. Le parcours muséographique, qui retrace l’histoire naturelle de l’isthme de Panama et son rôle crucial dans les échanges biologiques entre les Amériques, offre un complément passionnant à l’expérience architecturale.

Le moment à ne pas manquer : observez le ballet des ombres colorées que projettent les toits sur les espaces extérieurs. Ce jeu chromatique, différent à chaque heure du jour, révèle toute la sophistication de la composition.

L’héritage d’un visionnaire

Parcourir le monde sur les traces de Gehry, c’est accepter de voir différemment, de se laisser surprendre par des formes qui défient nos habitudes visuelles, de comprendre que la beauté peut naître de la transgression des règles. C’est, en somme, voyager avec les yeux grands ouverts et l’esprit disponible, la plus belle façon de découvrir le monde.

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